vendredi 30 janvier 2015

Un pot de vaseline.1er février 1915. Récit. N°92

Lettre pleine d'humour: Le Nord est un pot de vaseline parfumé à l'essence de betterave
Lettre sur le train sanitaire PO n°1
p1 

Ma compagne à 4 roues. P2

Pas terminée ? Non datée, mais février 1915 d’après des recoupements; depuis les environs de Rouen certainement .
Dr Eugène Chassaing à son ami et cousin par alliance le Dr Denis Pinet. Brouillon.
Aide au journal de Marche (AJM).


Mon cher Denis

A un mois de distance, relativement à ta lettre, et à six mois relativement à notre dernier entretien, il se fait tout de même temps que je te donne signe de vie. Le train sanitaire PO n°1 (ex 22) dont je suis le médecin cheminot, est depuis deux mois rattaché à la gare régulatrice de Dunkerque. Je vais cueillir les blessés à Poperinghe et les ramène par Hazebrouck-Dunkerque-Calais vers l’intérieur (actuellement la région de Rouen) . Cette région du Nord est un véritable pot de vaseline parfumé à l’essence de betterave où l’on s’enfonce jusqu’à la cheville et même jusqu’au genou sans qu’il soit besoin d’avoir recours à l’eau de mer ou à l’eau de l’Yser (une manière de ruisseau  de Campine* que les événements ont rendu à jamais célèbre) vent et pluie, pluie et vent  on ne part de là que pour tomber dans la tempête ou – gare au ciel serein – sous les ailes ou les crottes des aéroboches.

Lors du 1er bombardement de Dunkerque deux d’entre eux ont, sans que je m’en doute, suivi mon train sur une distance de plusieurs kilomètres  jusqu’à mon arrivée en gare. Leurs derniers bombardements quoique plus intenses  ont causé moins de victimes que les premiers car dès que ces oiseaux sinistres sont signalés  les habitants se réfugient prudemment dans les caves. Mon train n’ayant pas de sous-sol, nous  vivons, mes infirmiers et moi , bravement au rez-de-chaussée. Nous avons il est vrai à proximité de notre groupe, des tranchées offrant toute garantie de sécurité; mais je me crois l’âme assez  fidèle pour ne pas succomber à la tentation qui m’éloignerait, ne fut-ce qu’un instant, de ma compagne à 4 roues.

* Campine : lieu-dit à Brousse son village  natal, possédant un petit ruisseau.





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