Notes de E. Chassaing, trouvées en été
2006, avec le dossier « Régions envahies »
Où a-t-il récupéré ces notes qu'il a apparemment recopiées? À la mairie de Pontru (près de St Quentin), comme il semblait l'avoir fait pour les ordres de la Commandanture? Auprès de quelqu'un ? Mystère.
Ces notes se terminent brutalement.
Où a-t-il récupéré ces notes qu'il a apparemment recopiées? À la mairie de Pontru (près de St Quentin), comme il semblait l'avoir fait pour les ordres de la Commandanture? Auprès de quelqu'un ? Mystère.
Ces notes se terminent brutalement.
P1 Ils attiraient les enfants avec des sucreries |
Transcrit en 2007 par JP Chassaing; revu fin octobre 2016 par IC
P1
La
commune de Pontru Bertaucourt a été occupée par les Allemands le jeudi 27 août (1914
d’après la suite). La population
a été pendant les premiers mois relativement peu inquiétée sauf au moment du
passage des troupes. Les habitants sur instruction étaient tenus de
préparer le logement aux troupes et à n’importe quelle heure de la nuit on
devaient céder des places aux militaires de passage.
Le
15è d’artillerie en garnison à Sarrebourg a installé son
cantonnement le 19 Xbre (1914), il y est resté jusqu’au 10 Janvier. Toutes les denrées
alimentaires ont été réquisitionnées. Les caves avaient été vidées dès le mois
d’Août. Très riches des produits de leurs vols, ils se montraient très généreux
surtout à l’égard des enfants, à qui ils distribuaient sucre, bonbons,
chocolat, cigares, cigarettes au bout doré. « Ché beaucoup ché moi »
disait le cuisinier, faisant allusion à l’abondance des provisions qui
alimentaient la popotte des officiers.
Après
les artilleurs sont venus les chasseurs cyclistes (une compagnie prussienne).
Ils se sont comportés en véritables sauvages. Pendant les 5 ou 6 semaines de
leur séjour à Pontru ils ont déménagé les maisons : ils dévalisaient les
maisons de Bertaucourt soit-disant au profit de Pontru, et Pontru soit-disant au profit de Bertaucourt.
Le
Capitaine Cdt la Cie disait aux
P2 Vous n'êtes plus des Français, vous êtes des Allemands |
P2
hommes
âgés de 15 à 60 ans qui se rendaient à l’appel
hebdomadaire « Tenez-vous droit comme des soldats allemands, vous n’êtes
plus des Français, vous êtes des Allemands ». Le Capitaine était la
terreur du village. Il ne se complaisait que dans les vexations. Il était même
la terreur des soldats qu’il rendait fous et qui ne craignaient de
dire : « si on ne le tue pas, nous le tueront ».
On
a remarqué que les armées (ou
armes? illisible) se gataient
(illisible) entre elles. Un soldat se défie d’un soldat allemand. Un fantassin
dénigre un artilleur et réciproquement. Tous s’entendent pour détester
franchement l’aviateur. Un officier de la Commandanture de St Quentin qui avait
imposé la fourniture dans un très bref délai de plusieurs milliers de quintaux
de blé et d’avoine est venu menacer les habitants d’avoir à s’exécuter dans le
délai indiqué. Sinon nos soldats « pileront pileront » (pilleront? illisible). Que les
aviateurs s’amusent et fassent la noce .... nous nous voulons du grain ».
Après
les chasseurs, le 25è d’artillerie, qui s’est bien comporté.
Ici, où les instituteurs n’étaient pas
mobilisés les classes ont été ouvertes aux dates normales. Les instituteurs et
institutrices n’ont touché de traitement qu’à partir du 1er
décembre . Le traitement était fixé uniformément à 40 marks « tout
égal ». Egal ci, égal çà. Le mot capout était devenu tout à fait
courant, mon livre est capouté ? »
disaient les enfants.
Le traitement a été
maintenu jusqu’au 31 Xbre 1916 – Le paiement a été effectué une fois ou deux
P3 Les enfants trainant dans les rues gênaient la circulation. |
P3
en marks, les autres en bons
communaux. L’inspecteur primaire de St Quentin a continué à faire son service
et à assurer le fonctionnement dans les écoles, mais sous la direction d’un
inspecteur (porteur) délégué de la commandanture. L’inspecteur allemand
procédait seul aux notes des écoles, il s’occupait surtout de la préoccupation
fréquentation parce que les enfants traînaient dans les rues, gênant la
circulation.
La
commune n’a jamais émis de bons communaux. Elle a ouvert un crédit pour la
somme de 50.000 frs et reçu du consortium des communes pour 50.000 frs de
billets. « 60 (illisible) de billets au-dessous de 2 fr » -
Les Chevaux légers ( 4è d’Augsbourg) sont arrivés
fin mars « nous ne sommes pas des Prussiens, dit l’un d’eux, nous sommes
des Bavarois ». Les Bavarois reprochaient aux Prussiens leur militarisme
outrancier . « Nous avons la même mentalité que les Français, nous sommes
plus rapprochés de vous que des Prussiens ». Ils faisaient (illis) ressortir que le catholicisme
était commun aux deux peuples.
« Voilà une Prussien », disait l’un d’eux, en montrant un Prussien.
« Voilà une Prussien », disait l’un d’eux, en montrant un Prussien.
D’une
façon générale, les consignes étaient rigoureusement observées : des
tournées de coups de bâton ou de cravache étaient fréquemment données aux
soldats. Ils s’étonnaient que des punitions corporelles ne fussent pas
infligées aux enfants « sans cela, ajoutaient-ils, nous n’aurions, nous,
jamais rien appris».
Un
étudiant en médecine mettait quelque
P4 "Je tiens à passer pour un Français" |
P4
coquetterie
à faire ressortir les traits qui pouvaient révéler quelque ressemblance du type français.
Prenant une famille à témoin il disait : « est-ce que je ressemble à
un Français. .voyez j’ai les cheveux noirs comme un Français.. je parle bien
français. Je tiens à passer pour un Français ». Il avait fréquenté des
universitaires français, regrettant (ou
regrettait) de n’être plus en
relation avec eux. Tous les soldats étaient unanimes à dire « les Français
sont courageux, nous avons appris à les connaître.. Nous reconnaissons que
tout le mal que l’on a dit des Français, il n’était pas vrai.. Si la France et
l’Allemagne avaient été unies, elle aurait (au singulier: faute d'étourderie?) fait de grandes choses, nous
aurions eu l’univers à nos pieds » .. Les français ont des idées
originales, que les autres peuples n’ont pas, et nous nous sommes la
force ». Ressemblant (illis )
à beaucoup d’hommes : elle ne craint rien .... Cette idée de la force et
de la puissance sans égales de l’Allemagne était plus affirmée, plus
orgueilleuse encore aux premiers jours de l’invasion.. Ils disaient «
Nous sommes les rois du village, dans 3 jours nous seront les rois de Paris ».
Leur
fanatisme s’explique par leur immense crédulité. Ainsi ils croyaient dur comme
fer que st Quentin était St Denis, et
qu’avant 3 jours ils seraient Paris.
Paris était pourtant à 139 km
exactement. C’était d’ailleurs des disputes continuelles entre eux et les
enfants qui se renvoyaient la balle nichts Paris - nichts Berlin - il est même
arrivé à l’institutrice de Pontru l’incident suivant :
P5 "Vive la France,à bas l'Allemagne" devant les troupes allemandes |
P5
à la sortie de classe en février 1915, les
enfants étaient encore sur les rangs et accompagnés par leur maîtresse, l’un
d’eux s’est écrié, face aux troupes allemandes qui circulaient dans le village
« vive la France, à bas l’Allemagne !» Le petit garçon Alfred Baudry,
âgé de 9 ans, a dû être rappelé à la modération.
Les
petits garçons fréquentaient beaucoup les Allemands, qui faisaient tout pour
les attirer. En 1914 la municipalité a
même incité (ou invité ?) les
habitants à empêcher cette fréquentation.
2
dragons et 2 territoriaux étaient cachés dans le village. Les 2 dragons (ont
été faits prisonniers) sont partis pour St Quentin le 15 décembre. Les
territoriaux ont été glissés dans la liste de la population civile.
Le
29 avril 1915 , 31 personnes, femmes et enfants de soldats, ont été évacués en
France parce qu’elles étaient considérées comme des bouches inutiles avant le ravitaillement américain –
Au printemps 1915 la
population civile a été aidée par des équipes de soldats laboureurs munis d’un
certain nombre de machines agricoles.
A
Mademoiselle Madeleine Venet institutrice à Pontruet (900 m de Pontru) un
alsacien qui faisait partie (mot
oublié) d’une équipe de fouilleurs (illisible) «de
voleurs » dit « Est-ce que vous apprenez l’Allemand à vos
enfants - Non car je n’ai appris que l’allemand ( que le Français)–Vous
auriez dû apprendre l’allemand cela vous servirait car vous devenez allemande –
Cela n’est pas certain : un pays envahi n’est
P6 "les Russes se laissent prendre comme des petits lapins" |
P6
pas
un pays conquis
Les
Allemands se défendaient d’être des barbares. Le médecin qui soignait
Mademoiselle Madeleine faisait remarquer en souriant que tout en étant barbare
il lui donnait tout de même des trucs ? (illis).
Le souci d’échapper à cette critique contribuait pour une grande part à les
rendre aimables et obséquieux .. "Ils étaient tout en contrastes, même
entre amis. Les saluts étaient destinés à 10 personnes ; ça n’en
finissait plus".
La
nouvelle d’une victoire – et il s’agissait toujours d’une victoire russe – Les
russes disait-il se laissent prendre comme des petits lapins – heureusement
qu’ils sont beaucoup – La nouvelle d’une victoire était toujours annoncée au
son des cloches du village. Le Commandant des Chevaux légers allait lui-même les sonner.
D’une
façon générale il y avait toujours lieu de se défier de ceux qui se
présentaient comme Alsaciens. Au fond il
s’agissait soit d’espions soit de militaires, roublards qui mettaient ainsi à
contribution la générosité et le patriotisme des habitants.
Un
fondé de pouvoir de banque à Enghien les Bains – tué depuis à Verdun 3 mots
illisibles soldat au 81è d’infanterie
ne désirait qu’une chose : la fin de la querre . Tout avancement lui
était refusé en raison de ses opinions qu’il affichait trop ostensiblement.
Marié à une française qui a été envoyée en Suisse.
P8 "Les Français parlent beaucoup mais ils ne travaillent pas" |
P8
lui
adresser la parole dans la rue.
Le
2 Octobre 1915 un ordre ( n° 2600) de la commendanture d’Holnon fixe les prix
des denrées alimentaires, le prix des clous à ferrer et en un 3è paragraphe
l’obligation suivante :
« Il
vous faut rapporter jusqu’à demain le 3 Octobre le montant des bons municipaux
émis , de votre commune selon le modèle suivant :
Commune
– département – montant des bons – garantie – observations.
« Il s’agit seulement des bons déjà émis,
pas des bons étant en circulation. Par exemple si une commune a fait imprimer
30.000 frs en bons, si 10.000 de ces 30.000 sont encore au trésor de la
commune, si 5.000 sont en circulation et si 5.000 frs sont déposés au trésor
d’une banque comme garantie pour les bons régionaux, il faut rapporter 10.000
frs.
Signé : Gaede
Capitaine
Commandant
Aux
personnes qui demandaient quelques éclaircissements il était répondu «
les français disent beaucoup de choses, ils parlent beaucoup mais ils ne
travaillent pas » Lisez lisez, vous comprendrez et si vous ne compris pas
vous aurez une amende .
Le
13 novembre 1915 la population est rationnée en pommes de terre sur la base de
200 gr par habitant et par jour –
P10 Un laisser-passer pour se rendre aux champs |
P10
- Les Laisser Passer -
Les
laisser passer étaient exigés pour se rendre d’une commune à l’autre, d’une
maison à l’autre, si elles étaient distantes de plus de 5 à 600 mètres.
Un
laisser passer était exigé pour se rendre aux champs.
Sauf
les laisser passer dits de services, tous les laisser passer étaient payants.
Le
maire, le secrétaire de la mairie, le garde champêtre étaient munis de laisser
passer gratuits pour se rendre à la commandanture et soumettre les affaires
administratives. Les prix variaient entre 0,10 centimes et 1 fr. St Quentin,à l’entour de la zone de la commandanture, d’une commandanture
à une commandanture limitrophe 1 fr 25, d’une commandanture à une autre
commandanture non limitrophe 5 fr.
Les
maires avaient au début, jusqu’au 30 mars 1916 le droit de délivrer des laisser
passer dans les communes dépendant de la commandanture - les maires achetaient
une provision de Laisser Passer – La crainte de l’espionnage, l’isolement dans
lequel il tenait à maintenir la population ont été les raisons délément (illis) du retrait de cette
autorisation, les laisser passer étant délivrés par la commandanture seule.
Et
même dans les demeures ( illis)
le maire devait délivrer un certificat (voir tableau) attestant qu’il était
indispensable de délivrer un laisser passer à la personne qui se présentait.
Le
nombre en était très limité, 6 sur 692 habitants 2 laisser passer par semaine –
Aucun commentaire :
Enregistrer un commentaire