Lettre sur le train sanitaire PO n°1 p1 |
Ma compagne à 4 roues. P2 |
Pas terminée ? Non datée, mais février 1915 d’après des recoupements; depuis les environs de Rouen certainement .
Dr Eugène Chassaing à son
ami et cousin par alliance le Dr Denis Pinet. Brouillon.
Aide au journal de Marche (AJM).
Mon cher Denis
A un mois de distance, relativement à ta lettre, et à six
mois relativement à notre dernier entretien, il se fait tout de même temps que
je te donne signe de vie. Le train sanitaire PO n°1 (ex 22) dont je suis le
médecin cheminot, est depuis deux mois rattaché à la gare régulatrice de
Dunkerque. Je vais cueillir les blessés à Poperinghe et les ramène par
Hazebrouck-Dunkerque-Calais vers l’intérieur (actuellement la région de
Rouen) . Cette région du Nord est un véritable pot de vaseline parfumé à
l’essence de betterave où l’on s’enfonce jusqu’à la cheville et même jusqu’au
genou sans qu’il soit besoin d’avoir recours à l’eau de mer ou à l’eau de
l’Yser (une manière de ruisseau de
Campine* que les événements ont rendu à jamais célèbre) vent et pluie, pluie et
vent on ne part de là que pour tomber
dans la tempête ou – gare au ciel serein – sous les ailes ou les crottes des
aéroboches.
Lors du 1er bombardement de Dunkerque deux
d’entre eux ont, sans que je m’en doute, suivi mon train sur une distance de
plusieurs kilomètres jusqu’à mon arrivée
en gare. Leurs derniers bombardements quoique plus intenses ont causé moins de victimes que les premiers
car dès que ces oiseaux sinistres sont signalés
les habitants se réfugient prudemment dans les caves. Mon train n’ayant
pas de sous-sol, nous vivons, mes
infirmiers et moi , bravement au rez-de-chaussée. Nous avons il est vrai à
proximité de notre groupe, des tranchées offrant toute garantie de sécurité; mais je me crois l’âme
assez fidèle pour ne pas succomber à la
tentation qui m’éloignerait, ne fut-ce qu’un instant, de ma compagne à 4 roues.
* Campine : lieu-dit à
Brousse son village natal, possédant un
petit ruisseau.